Non classifié(e)

Pourquoi je pense que la voiture à hydrogène n’a pas vraiment d’avenir

L’hydrogène est l’état le plus simple de la matière. Il s’est formé dès les premiers instants après le big-bang, et il représente un peu plus de 80% de la matière dans l’univers.

La Terre est l’un des rares endroits de cet univers où il n’est pas présent à l’état naturel. Pourtant il est omniprésent sur notre planète : dans l’eau, dans les hydrocarbures, etc.

D’ailleurs jusqu’à récemment, il était produit à partir d’hydrocarbures avec un bilan carbone très mauvais. Depuis quelques années, on commence à le produire à partir de l’eau en utilisant la technique de l’électrolyse.

En tant que vecteur énergétique, l’hydrogène représente un potentiel énorme pour l’humanité.

Celle-ci a commencé d’abord par en faire un des pires usages qui soient : la bombe H. Puis, les scientifiques ont commencé à travailler sur son utilisation pour des causes plus nobles, dont la décarbonation de la planète et la préservation de l’environnement, à travers la production d’énergie propre. La voiture roulant à l’eau, imaginée il y a deux siècles par Jules Verne, est entrain de devenir presque une réalité.

L’invasion russe de l’Ukraine en Février 2022 vient donner un grand coup de pouce à ce mouvement et accélérer la conversion des pays de l’Union Européenne à l’hydrogène vert (càd l’hydrogène produit à partir d’une électricité d’origine renouvelable). L’objectif étant de réduire la dépendance de l’UE en matière de gaz russe. Je ne discuterai pas dans cet article l’intérêt ou non d’utiliser l’hydrogène comme source d’énergie dans l’industrie, ce qui est tout à fait intéressant mais pas forcément facile à faire.

Nous pourrons consacrer un autre article dédié à ce sujet, fort intéressant du reste.

Là je voudrais discuter du coût d’exploitation de la voiture à hydrogène et de son impact environnemental.

D’abord il faut préciser que la voiture à hydrogène est une voiture électrique. Au lieu de se charger via le réseau électrique, elle dispose de piles à combustible qui produisent de l’électricité à partir du dihydrogène (H2) qu’elle transporte. Elle est donc mue par un ou plusieurs moteurs électriques, et peut disposer de batteries électriques de stockage, pour les besoins de récupération d’énergie. Exactement comme une voiture électrique « classique ».Principe de la pile à combustible (Pile à Hydrogène)

L’appellation exacte devrait donc être « voiture à pile à combustible à hydrogène ».

La promesse principale de cette voiture, c’est qu’elle ne changerait pas nos habitudes en matière de recharge. Deux à trois petites minutes à la station de service suffiraient pour remplir le réservoir de carburant et disposer d’une autonomie de 500 km environ. C’est le seul avantage qu’elle propose face à la voiture électrique rechargeable. Tout le reste n’est qu’inconvénient.

 

Tout d’abord : le coût d’exploitation

Une voiture à hydrogène permet de parcourir environ 100km avec 1 kg de H2, et un coût d’environ 14€ (j’ai fait une petite recherche sur le prix à la pompe d’hydrogène en Europe en juin 2023. Il en ressort que celui-ci varie entre 10€/kg en Suède (90SEK exactement) et 24€ en Autriche, en passant par un prix de 13,85€/kg en Allemagne et 20,5 €/kg en Suisse). À titre de comparaison, une voiture électrique classique consomme en moyenne moins de 20kWh pour 100km, soit un coût d’environ 3€, au prix de 0,15€/kWh. Elle est donc 4 à 5 fois moins chère que sa concurrente à hydrogène.

Ceci n’est pas vraiment une surprise quand on sait que le rendement de l’ensemble pile à combustible à hydrogène + moteur électrique est de l’ordre de 20%, loin derrière le moteur diesel (40%) et très loin derrière l’ensemble batterie + moteur de la voiture électrique (+ 80%).

Quel avenir pour l'hydrogène ?

Ensuite : le coût d’investissement dans l’infrastructure de recharge

Là où une borne de recharge électrique rapide de 150kW coûterait moins de 50k€ (infrastructure électrique incluse), une station de recharge en hydrogène coûterait pas moins de 1000k€ (le coût réel actuel se situerait plutôt vers 1,3 million d’euros). C’est donc au moins 20 fois plus cher, et le développement d’un réseau de stations à hydrogène ne pourrait pas se faire sans une forte volonté des pouvoirs publiques qui se traduirait par des aides conséquentes. D’ailleurs au moment où j’écris cet article, on peut dénombrer à peine 161 stations de recharge opérationnelles dans toute l’Union Européenne, dont 91 dans la seule Allemagne et 48 nouvelles stations en cours de construction.

A titre de comparaison, l’Union Européenne disposait en 2022 de plus de 500 000 bornes publiques de recharge de véhicules électriques.

C’est dire la lenteur avec laquelle le réseau de distribution d’hydrogène se déploie.

Cet argument pourrait cependant être remis en question par le concept de la NamX, voiture à hydrogène dotée de capsules de recharge pré-remplies. Sans trop rentrer dans les détails liés à la sécurité en cas d’impact à l’arrière du véhicule (nous faisons pour cela confiance aux normes de sécurité NCAP obligatoires), l’idée est effectivement géniale. Elle permet de réduire le coût d’investissement dans l’infrastructure de recharge en concentrant cette dernière. Mais pour que ce concept marche, il est important que plusieurs constructeurs l’adoptent et surtout, adoptent le même modèle de capsules de recharge. Ce qui n’est pas gagné d’avance.

Le coût de cette technologie reste donc très élevé par rapport à la technologie tout-électrique basée sur le stockage par batteries qui fait des pas de géant depuis quelques années, que ce soit en matière de capacité de stockage ou en terme de temps de recharge.

Enfin, concernant l’impact sur l’environnement

le bilan de l’Hydrogène, même décarboné, n’est pas forcément positif. En effet, s’il est tout à fait vrai que les rejets générés par la voiture à hydrogène sont composés exclusivement d’eau pure (H2O), son bilan écologique reste discutable. En effet, l’atome d’hydrogène est le plus petit atome connu de l’univers. Idem pour la molécule de dihydrogène (H2). Cela rend les fuites inévitables pendant toutes les phases du processus de production, de remplissage, de transport et de recharge.

La forte persistance du dihydrogène (durée de vie longue) lui permet d’atteindre la stratosphère une fois libéré. Il réagit alors avec des radicaux hydroxyles et libère de l’hydrogène et de l’eau sous forme de vapeur (H2+OH —> H+H2O). Or la vapeur d’eau est le principal gaz à effet de serre , très loin devant le CO2 (la vapeur contribue pour 60% à l’effet de serre planétaire, contribution qui monte jusqu’à 90% si l’on considère aussi les nuages). Pire, à moindre altitude (Troposphère), les radicaux hydroxyles réagissent naturellement avec le méthane, le monoxyde de carbone (CO), ainsi qu’avec d’autres corps, ce qui permet de réguler le volume de ces derniers et de limiter ainsi la production d’ozone troposphérique. Ce dernier est aussi un gaz à effet de serre.

Le déficit de radicaux hydroxyles ayant réagi avec le dihydrogène issu des innombrables fuites de l’hydrogène dans l’atmosphère amène les scientifiques à la conclusion que le remplacement massif des hydrocarbures par le dihydrogène conduira à une augmentation des températures planétaires par effet de serre.

Si l’on se met tous à rouler en voiture à hydrogène, en plus des usines et des autres moyens de transport, tels que les bateaux (qui eux du coup seraient des candidats crédibles à cette nouvelle forme d’énergie), l’augmentation des températures moyennes sera telle que nous risquons d’être amenés dans quelques décennies à regretter le bon vieux temps des voitures à hydrocarbures.

Conclusion

En conclusion, s’il est indéniable que l’hydrogène vert représente une opportunité indiscutable pour la décarbonation de l’industrie et une alternative sérieuse aux hydrocarbures dans les moyens de transport lourds (camions, navires, etc.), il en va tout autrement pour les voitures. Selon moi il faut se rendre à l’évidence : la voiture à hydrogène est tout simplement une option non valide.

 

Fouad Elkohen

One Reply to “Pourquoi je pense que la voiture à hydrogène n’a pas vraiment d’avenir”

  1. Oussama Masmoudi 1 an ago

    Bravo

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *